Le Centre pour la concurrence fiscale recherche les effets d'une concurrence fiscale dynamique et d'une protection efficace de la sphère privée financière sur la liberté individuelle et la propriété.

Les conséquences très négatives de Fatca

La loi américaine va abolir toute forme de concurrence fiscale. Alors qu'une réforme raisonnable de l'assistance administrative aurait très bien pu suffire.

Le 1er juillet est donc entré en vigueur le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca). Il s'agit d'une loi adoptée en 2010 par le Congrès américain et obligeant les prestataires de services financiers du monde entier à livrer les comptes bancaires d'Américains à Washington. Fatca fait ainsi de 77.000 banques, fonds, assureurs et gérants de fortune de précieux auxiliaires du fisc américain.

Comment une telle loi qui permet aux Etats-Unis d'imposer des milliards de dollars de charges aux établissements financiers a-t-elle pu voir le jour? Première explication: la gravité de la crise financière qui a entraîné un doublement de la dette de la fédération américaine (74% du PIB). L'Etat a donc un grand besoin d'argent. Deuxièmement, les Américains disposent d'un moyen de pression qui n'a pas son pareil: l'accès au plus grand marché des capitaux du monde. Ils l'exploitent sans scrupules. Troisièmement, on doit à la vérité de rappeler que c'est le comportement de certaines banques suisses qui a donné aux Etats-Unis l'idée de cette loi. On ne peut naturellement pas rendre les banques responsables du non-paiement de leurs impôts par leurs clients. Il y va après tout de la responsabilité individuelle de chacun. Reste que les banques suisses ont activement aidé des clients américains (et autres) à cacher de l'argent au fisc en s'associant à des fiduciaires qui se sont empressées de créer les structures nécessaires à cette dissimulation. C'est ce qui a finalement conduit les Américains à Fatca.

Fatca est aussi le résultat du conflit fiscal avec la Suisse. Washington poursuit les fraudeurs fiscaux par tous les moyens. Les Suisses vivant aux Etats-Unis en savent quelque chose. Pour les citoyens américains, la protection de la sphère privée appartient d'ores et déjà au passé. Ils se plaignent amèrement d'être traités comme des suspects. La loi a en outre eu l'effet d'un boomerang pour les Etats-Unis. Les expatriés américains ont toutes les peines du monde à exécuter des opérations bancaires dans leur pays d'accueil. Conséquence: un petit nombre d'Américains à l'étranger - qui grandit à vue d'œil - se décident à abandonner leur nationalité ou leur Green Card. En 2013, ils étaient déjà 3000, alors qu'on n'en comptait que quelques centaines avant Fatca.

Des pays comme l'Allemagne ou la France avaient fait état de leurs réserves au sujet de Fatca. Mais pas parce qu'ils craignaient pour la sphère privée des clients des banques. Ils réclamaient au contraire la réciprocité des Etats-Unis, que ceux-ci ne sont prêts à accorder que de manière très restrictive. L'OCDE a sauté dans cette brèche en élaborant, sur le modèle Fatca, un échange automatique d'informations. Elle en a fait une nouvelle raison d'être qui impacte profondément les traditions. Une fois cette norme entrée en vigueur, des millions de données pourront être échangées entre administrations fiscales nationales. Une situation digne de George Orwell.

Le principe en vertu duquel la sphère privée ne peut être supprimée que s'il existe un soupçon concret et fondé - comme dans le cas du blanchiment d'argent ou du financement du terrorisme - ne doit pas prévaloir lorsqu'il s'agit de délits fiscaux. Force est de reconnaître, dans un esprit d'autocritique, que la Suisse a tardé à accorder l'assistance administrative à des Etats dont les ressortissants se livrent à l'évasion fiscale. Elle paie aujourd'hui cette attitude au prix fort.

L'échange automatique d'informations encourage-t-il vraiment l'honnêteté fiscale des citoyens? À court terme, peut-être. À la suite de l'affaire UBS, 45.0000 Américains ont ouvert leurs comptes offshore. À plus long terme, d'autres facteurs sont déterminants: on doit pouvoir décider sur place de la charge fiscale et de l'utilisation des revenus de l'Etat; la relation entre Etat et citoyen ne doit pas être conçue comme une relation entre maître et esclave. Une réforme raisonnable de l'assistance administrative en matière fiscale aurait pu être la solution. En lieu et place, les partisans de la concurrence fiscale et de la protection de la sphère privée sont aujourd'hui sur la défensive. Avec Fatca, l'évolution vers le client transparent et l'alignement progressif des régimes fiscaux ne semblent plus pouvoir être arrêtés. Et ce sont bien les Etats-Unis, par ailleurs si épris de liberté, qui ont grandement facilité cette évolution.

L'auteur est professeur honoraire à l'Université de Genève. Cet article a été publié dans «L'Agefi». Reproduit avec permission.

Juillet 2014